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ERA Architects

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Trois leçons tirées des espaces culturels indépendants en Europe

par Daniel Rotsztain, artist in residence

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Au cours de l’été 2022, ERA a été invitée à participer à une visite en Europe avec des organisations membres du Trans Europe Halles (TEH), un réseau de 135 organisations culturelles de 39 pays européens et d’ailleurs. Les membres de TEH soutiennent, étudient et défendent collectivement les espaces culturels indépendants et leur contribution au bien-être social, environnemental et économique.

Le TEH est en train de conseiller l’Ontario College of Arts and Design University (OCADU) pour son projet d’activation des silos de la Canada Malting, situés sur le bord du lac Ontario, en plein centre de Toronto. Ce projet vise à transformer la structure désaffectée en un centre axé sur la résilience climatique par le biais de l’art et du design. ERA a été engagée à titre d’architecte chargé de la stabilisation des silos. Avec l’objectif commun de faire des arts et de la culture le moteur du réaménagement le long du lac Ontario, ERA s’est jointe à la visite avec le TEH et l’OCADU afin d’apprendre à comment promouvoir la réutilisation des bâtiments en tant qu’espaces culturels indépendants, à trouver de nouvelles approches de partenariat avec les municipalités pour préserver l’accessibilité des arts et de la culture, et des méthodes pour stabiliser les énormes silos en béton.

Voici trois leçons que nous avons apprises durant notre visite… 

Studio Alta à Prague, Czechia

Il est possible de commencer avant d’avoir tout compris 

La réhabilitation de bâtiments patrimoniaux pour y accueillir un usage contemporain peut nécessiter des années de conception, d’approbations, de rénovations et de dépenses importantes, créant ainsi des obstacles à l’accessibilité des espaces artistiques et culturels. Le Studio Alta, une organisation culturelle indépendante en République tchèque, qui a accueilli la conférence du TEH de 2022, est situé dans un hôpital baroque du XIXe siècle, à l’extrémité est du centre-ville de Prague. La municipalité est propriétaire du bâtiment et a loué temporairement l’espace au Studio Alta.

Malgré son état relativement précaire – il n’y a pas de plomberie dans la majeure partie du bâtiment, les sols et les murs ont besoin d’être réparés et une rénovation majeure de l’éclairage est nécessaire – Studio Alta l’a rendu fonctionnel grâce à des modifications temporaires telles que des rampes d’accès, des réparations ponctuelles des murs et des sols, des projecteurs et une salle de bain à l’extérieur. Cette approche de transformation graduelle du bâtiment a permis à une importante organisation culturelle de Prague d’avoir accès à un espace pour ses activités (ils ont en effet été expulsés de leurs anciens locaux en 2019).

L’exemple du Studio Alta situé dans une structure relativement brut est une source d’inspiration pour les types de programmes que l’OCADU pourra mettre en place dans les Silos de la Canada Malting. En effet, il y a une raison pour laquelle les silos sont l’un des derniers bâtiments vacants sur le bord de l’eau à Toronto, et ce n’est pas par manque d’imagination : en tant qu’énorme structure en béton, toute modification architecturale est extrêmement difficile et coûteuse. L’adoption d’une approche itérative de la programmation de l’espace permettra de révéler lentement les possibilités de ce monument torontois.


meeting with nine people sitting around a table watching a presentation
Réunion avec les employés de la ville d’Amsterdam

La ville comme partenaire de la culture  

Comme de nombreuses villes dans le monde, Amsterdam connaît un essor du développement et une augmentation de la valeur immobilière, ce qui a pour effet de faire disparaître les espaces culturels indépendants qui fonctionnent sans modèle de maximisation des profits. Consciente de l’importance des arts et de la culture indépendants pour le bien-être social et économique de la ville, la ville d’Amsterdam a lancé une initiative appelée « Free Space » [espace libre], qui explore les moyens par lesquels la municipalité peut contribuer à la poursuite des activités de plusieurs centres culturels indépendants menacés. Par le biais d’une politique, d’un allègement fiscal et de la location d’espaces, la municipalité s’est engagée à protéger les initiatives d' »espaces libres » existantes et à risque, à soutenir la création de nouveaux espaces libres et à intégrer les espaces culturels indépendants dans le processus de planification. Dans la lignée de l’exemple précédent (on peut commencer avant d’avoir tout compris), l’une des recommandations de la ville d’Amsterdam est de commencer ce processus rapidement et d’éviter les longs processus d’élaboration de politiques, car il est « possible d’apprendre sur le tas et d’adapter le processus en fonction des besoins ».

ERA a pu constater le rôle de la ville d’Amsterdam dans le soutien aux espaces culturels : après qu’ADM, un collectif d’artistes indépendants, ait été expulsé de ses locaux dans le port ouest d’Amsterdam, la ville a travaillé avec l’organisation pour trouver un site appartenant à la municipalité au nord d’Amsterdam. Cette vaste friche industrielle – une ancienne installation d’assainissement des eaux – est en train d’être transformée par les artistes et les résidents d’ADM, notamment en réhabilitant le terrain et en modernisant les structures existantes en vue d’une utilisation communautaire. Dans le cadre de la location du nouveau site, ADM a accepté de fournir des locaux, une programmation et un terrain de sport pour le quartier environnant, une relation symbiotique qui bénéficie tout le monde. Heureusement pour Toronto, Mojan Jianfar et Ben MacIntosh, employés de la ville de Toronto au sein de la division des Partenariats culturels du département du Développement économique et culturel, ont pu assister à une réunion en direct avec les employés de la ville d’Amsterdam. Nous sommes impatients de voir quelles leçons d’Amsterdam peuvent être appliquées dans le contexte torontois, car plusieurs installations appartenant à la ville sont des espaces idéaux pour que des organisations culturelles indépendantes puissent les occuper et les utiliser.


Suikerfabriek – un ancien silo à sucre à Halfweg, en périphérie d’Amsterdam

Il est possible de transformer un mastodonte de béton en un espace culturel 

Comme nous l’avons mentionné plus haut, la complexité de la transformation des silos de la Canada Malting a fait en sorte que le bord de l’eau au centre-ville de Toronto reste vide et inactif. Cette opportunité est également un défi en soi. Bien qu’il ne fasse pas partie de son réseau, TEH nous a mis en contact avec Jos Van Eldonk, un architecte de Common Affairs qui a transformé le Suikerfabriek – un ancien silo à sucre à Halfweg, en périphérie d’Amsterdam – en un espace de bureaux à deux tours, relié par un pont au niveau supérieur. Revêtue d’aluminium clair et ponctuée de fenêtres en forme de losange et de miroirs enveloppant les deux tours cylindriques, la Suikerfabriek était en pleine effervescence lors de notre visite, représentant la première phase d’un développement à usage mixte qui intégrera d’autres structures industrielles patrimoniales situées à proximité.

Bien que Jos n’ait pas pu se joindre à nous à Halfweg, nous avons discuté avec lui par vidéoconférence pendant que nous explorions le bâtiment et ses environs. Il a partagé la technique employée pour réaliser les incisions de 12 pouces d’épaisseur dans le béton (de nombreuses lames-scies diamantées ont été utilisées au cours du processus!) et a inspiré ERA à explorer l’emploi du revêtement comme une stratégie pour les futurs projets de réhabilitation du béton afin de prévenir les dommages aux façades tout en contribuant à la stabilisation globale. 


Series of 3 photos showing the industrial decay of pipes, stairs, ventilation pipes and numerous other unidentified objects from the Canada Malting Silos
État des silos de la Canada Malting en 2010

Faire de la place à la culture à Toronto 

La visite d’une série d’installations culturelles indépendantes au sein du réseau TEH a permis de tirer de nombreux enseignements sur la réhabilitation, ainsi que la défense, le maintien et la mise en place d’installations culturelles indépendantes. Les espaces culturels indépendants – à mi-chemin entre une galerie, une salle de spectacle, un studio et un centre communautaire – ont une riche histoire en Europe, mais ne sont pas aussi courants dans le contexte canadien. À Toronto, des partenariats formels sont nécessaires pour rénover, mobiliser et financer la programmation culturelle dans les bâtiments patrimoniaux, afin de garantir que les arts et la culture soient préservés en tant qu’éléments essentiels du dynamisme et de la qualité de vie à Toronto. Cependant, les partenariats formels ne doivent pas empêcher l’expérimentation ! Alors que l’OCADU commence les démarches pour réhabiliter les silos de la Canada Malting pour en faire un centre axé sur la résilience climatique par le biais de l’art et du design, nous sommes ravis de soutenir un processus itératif dans un espace complexe et, en même temps, stimulant, où la municipalité reconnaît et soutient le rôle de la culture dans le réaménagement de la ville, et où les intervenants peuvent participer au processus de recherche de solutions.

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