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The Signs That Define Toronto: un nouveau livre d’ERA et du magazine Spacing 

par Kurt Kraler

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Nous sommes heureux d’annoncer la publication du livre The Signs That Define Toronto [Les enseignes qui définissent Toronto]. Afin de réaliser cet ouvrage publié et produit en collaboration avec le magazine Spacing, Philip Evans, associé fondateur, et Kurt Kraler, architecte, de chez ERA ont fait équipe avec Matthew Blackett, de Spacing, et 20 collaborateurs pour révéler l’histoire, la culture et les anecdotes qui se cachent derrière les enseignes uniques parsemées dans la ville de Toronto. Le livre est rempli de superbes photographies d’époque et est accompagné de textes portant sur la valeur sociale et culturelle des panneaux de la ville.

Le livre a été lancé le jeudi 1er décembre 2022 chez El Mocambo.
POUR COMMANDER: acheter à la boutique du Spacing 

Book cover, square, photo of Filmores Hotel neon signage and title, "The Signs That Define Toronto"

Introduction du livre
The Signs That Define Toronto 

par Kurt Kraler 

En une décennie, Toronto a perdu deux de ses panneaux les plus emblématiques, ce qui a suscité l’indignation et des questionnements relatifs à la rapidité avec laquelle la ville change sous nos yeux. Tout a commencé en 2008, avec le retrait des tristement célèbres disques de vinyle rotatifs au néon qui avaient marqué l’entrée du mythique magasin  Sam the Record Man, sur la rue Yonge, pendant près de 40 ans. Puis, en 2017, la gigantesque enseigne scintillante du grand magasin Honest Ed’s a été démantelée pour faire place à un nouveau projet résidentiel à l’angle sud-ouest des rues Bloor et Bathurst. On a signé des pétitions, rédigé des éditoriaux et formé des groupes Facebook pour protester contre leur retrait et raconter des anecdotes sur ce que ces enseignes signifiaient pour les résidents. La conversation a bifurqué vers la préservation du patrimoine et la façon dont les enseignes contribuent à l’identité visuelle de la ville. Dans ces deux cas, ce qui est devenu évident, c’est l’importance des enseignes en soi et la façon dont, souvent, ils caractérisent des façades de bâtiments qui autrement n’ont rien de remarquable.

The Signs That Define Toronto est une tentative de documenter la culture de la ville  vue à travers ses enseignes. Les villes sont façonnées par leurs enseignes des panneaux emblématiques qui dominent le paysage urbain aux enseignes plus modestes des petites entreprises. Elles donnent un aperçu des occupants qui vivent et travaillent dans les bâtiments qu’elles ornent et sont accessibles à un large éventail de commerçants. Cette accessibilité est en grande partie attribuable aux innovations en matière de technologie d’éclairage grâce auxquelles les coûts de fabrication des enseignes demeurent relativement bas. Par conséquent, les enseignes reflètent la vie dans la ville comme ne pourraient jamais le faire les bâtiments et les styles architecturaux.

Archival image of large billboard for "D&A Corsets" showing a woman in a corset alongside the product name.

Nous explorerons les progrès des technologies d’affichage des entreprises commerciales réalisés au fil des ans, en ordre chronologique, en commençant par les écriteaux de façade et les enseignes à double face du XIXe siècle, suivis des grands panneaux d’affichage peints à la main de la E.L. Ruddy Company qui couvraient les murs latéraux vierges de la ville. Ensuite est arrivée la prolifération des panneaux électriques comme les enseignes de cinéma et les panneaux au néon, qui ont atteint un sommet de popularité dans les années 1950. Puis, sont venus les panneaux rétroéclairés qui sont omniprésents le long des rues de nos jours. Compte tenu de la nature évolutive de l’affichage, nous formulerons des hypothèses sur l’avenir des enseignes et ce à quoi la ville pourrait ressembler au cours des prochaines décennies. En regardant la mosaïque d’enseignes qui définissent Toronto, on voit le grand nombre de langues, de drapeaux, de couleurs et de symboles qui sont diffusés auprès d’une diversité de groupes démographiques et de clientèles et qui contribuent à l’identité visuelle collective de la ville.

a full street of traffic and multitudes of signs protruding from shops along Toronto's Yonge Street in the 1970s.
Looking south on Yonge St. from Gerrard St., mid-1970s

La rue Yonge, au centre-ville, est le point de départ d’une grande partie de l’histoire des enseignes de Toronto, une artère commerciale avec des magasins de vente au détail comme Sam the Record Man, des salles de spectacle comme Le Coq d’Or et des bars de danseuses comme Zanzibar, qui rivalisent pour attirer les regards. Ces enseignes ont été les premières d’un ensemble de panneaux d’affichage dans la zone que l’on appelle Yonge-Dundas Square, où les enseignes couvrent de grandes étendues de façades de bâtiments et font saillie sur les toits. Michael McClelland s’entretient avec l’un des concepteurs de la place, James D. Brown, de Brown+Storey, et avec l’ancien conseiller municipal Kyle Rae au sujet des origines de Yonge-Dundas Square.  Matthew Blackett, corédacteur et défenseur de longue date de l’espace public de Toronto, et également éditeur du magazine Spacing, communique son point de vue sur l’évolution de ce square au cours des vingt dernières années.

Two-page spread from the book: Headline says, "Out of Many, One Neighbourhood." The opposite is a full-page photo of the Record Factory store in 1986.

Au-delà de la rue Yonge au centre-ville, nous documentons les cultures représentées par les enseignes dans trois corridors commerciaux distincts de Toronto : Little Jamaica, sur l’avenue Eglinton Ouest; la communauté iranienne communément appelée Tehranto, sur la rue Yonge, entre l’avenue Sheppard et Elgin Mills; et le quartier chinois historique du centre-ville, sur l’avenue Spadina. Le livre contient aussi une série d’études de cas, des panneaux emblématiques et des photographies qui approfondissent les histoires qui se cachent derrière les enseignes qui ornent les rues de la ville. Nous avons également inclus des entrevues avec plusieurs personnes qui ont documenté le paysage de l’affichage à Toronto ou qui ont contribué directement à sa documentation, notamment le fabricant de panneaux Dizzy Minott, le peintre Chris Rouleau, la chercheuse Linda Zhang et la photographe Tanja Tiziana.

Mon intérêt personnel pour les enseignes a commencé dans le cadre de ma thèse de troisième cycle qui portait sur l’histoire du développement à Las Vegas, une ville reconnue pour son  éblouissante panoplie d’enseignes qui évoluent constamment dans le but d’attirer les touristes. Cette riche histoire est exposée au Las Vegas Neon Museum, musée qui présente une collection d’enseignes récupérées de divers établissements, sur le Strip et ailleurs. Les visiteurs parcourent la collection en suivant des guides touristiques qui racontent des anecdotes au sujet des entreprises à l’origine de chaque enseigne et sa contribution à l’histoire de la région. Ce qui est devenu évident, c’est le rôle essentiel de la conservation et le fait que les bâtiments et leurs panneaux véhiculent un sens historique au lieu.

Dans les années 1960, les architectes et éducateurs Robert Venturi, Denise Scott Brown et Steven Izenour ont mené une étude ambitieuse du nouveau centre commercial linéaire américain qui avait vu le jour à Las Vegas, le Strip. Ils ont documenté la typologie souvent négligée de ces bâtiments, résultat de l’adoption répandue de l’automobile comme principal moyen de transport. Ces études ont par la suite été publiées dans le livre L’enseignement de Las Vegas (Learning From Las Vegas, 1972), selon lequel les bâtiments sans prétention  du Strip étaient un sujet digne d’être étudié par les architectes, tout comme le mouvement Pop Art qui avait adopté le « crass commercialism” (commercialisme de masse). Fait plus important encore, le livre établissait l’importance de l’enseigne dans l’architecture commerciale, reléguant le bâtiment à ses fonctions de base qui consistent à fournir un espace climatisé et un refuge contre les intempéries.

Fait intéressant, Toronto partage certaines similitudes avec Las Vegas en ce qui a trait à la croissance et à l’évolution de l’affichage. L’ouverture du barrage Hoover en 1936 a fourni à Las Vegas un approvisionnement abondant en électricité bon marché, un peu comme le barrage hydroélectrique de Niagara avait transformé les rues de Toronto des décennies auparavant. L’accès à une source d’électricité abordable et fiable a permis aux propriétaires d’entreprise d’élargir leur approche publicitaire et d’utiliser des panneaux électriques pour se démarquer dans un paysage urbain de plus en plus saturé. Cette situation a mené à la production d‘enseignes élaborées qui ont transformé à jamais l’identité visuelle de la ville.

Black and white archive photo of Old City Hall adorned with strings of lights at its entrance with illuminated lettering spelling out "INAUGURATION HYDRO ELECTRIC"
Electric mural at City Hall, 1911

En 1911, la ville a inauguré le réseau hydroélectrique Toronto Hydro-Electric System au moyen d’un affichage ostentatoire conçu pour attirer l’attention du public. Une murale des chutes Niagara peinte à la main avait été installée au-dessus des marches avant de l’ancien hôtel de ville, avec plusieurs guirlandes de lumières électriques qui tombaient en cascade vers les curieux rassemblés en dessous. Lors de l’annonce officielle de l’ouverture du réseau électrique, l’eau s’est déversée d’une entaille au sommet de la murale pour arroser la foule en liesse sous la chute improvisée. Ce spectacle a été le signe avant-coureur des panneaux électriques décadents à venir et a amorcé une nouvelle ère d’affichage commercial qui allait reposer en grande partie sur les salles de cinéma et les concessionnaires automobiles.

Black and white archive photo shows Yonge street under construction, equipment and machinery on the street tearing it up and preparing for further digging.
Soon-to-be removed over-hanging signs on Yonge St., during subway construction, 1950.

À la fin du XIXe siècle, dans les centres urbains, les enseignes avaient envahi chaque centimètre carré de la surface des bâtiments, et les entreprises avaient fait recours à divers types d’enseignes, de styles, d’emplacements et de couleurs pour tenter de se démarquer les unes des autres. En même temps, le mouvement City Beautiful est apparu comme une initiative visant à nettoyer les rues de la ville et réduire la  dégradation urbaine. Le mouvement de réforme sociale a été lancé aux États-Unis par un groupe de citoyens préoccupés qui réclamaient moins d’enseignes et plus d’arbres, et il a rapidement gagné en popularité au nord de la frontière, auprès des décideurs et des résidents. Tatum Taylor Chaubal se penche sur la campagne visant à retirer les panneaux double face le long de la rue Yonge dans les années 1950 dans le but d’embellir la rue, une philosophie qui continue d’influencer la politique d’affichage de la Ville de Toronto à ce jour.

Les enseignes sont un reflet de la société à laquelle elles s’adressent. Alors que nous nous souvenons des affichages les plus vibrants et les plus colorés, nous pouvons par contre oublier que les panneaux ont été utilisés pour imposer des lois discriminatoires et des pratiques commerciales qui séparaient les gens en fonction de leur sexe ou de leur couleur. Bien qu’aucune loi officielle sur la ségrégation n’ait été mise en œuvre au Canada, l’influence des lois américaines de Jim Crow était apparente au nord de la frontière. Par exemple, certains théâtres ne permettraient aux clients noirs de s’asseoir que dans des zones délimitées par des affiches, ou des restaurants et des hôtels refuseraient carrément de les servir. Jusque dans les années 1970, les établissements de consommation d’alcool avaient des sections distinctes pour les hommes et les femmes, et des panneaux extérieurs marquaient les entrées réservées aux personnes de chaque sexe. Au cours de mes recherches en tant qu’architecte en patrimoine, j’ai vu d’innombrables photographies historiques de grands panneaux d’affichage qui représentent des images ou des mots qui illustrent des stéréotypes racistes visant des Noirs et des Autochtones, ainsi que d’autres personnes d’origines diverses.

Parkside Tavern (middle) and Charles St. Tavern (clock tower) were institutions of the city’s gay community in the 1960s and ‘70s.
Parkside Tavern (middle) and Charles St. Tavern (clock tower) were institutions of the city’s gay community in the 1960s and ‘70s.

Il est essentiel de remarquer quelles communautés peuvent être sous-représentées dans l’affichage. Jusqu’à tout récemment, les établissements pour personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers, bispirituelles et autres (LGBTQ2S+) demeuraient largement invisibles dans le domaine public; ils avaient souvent recours à des noms codés, à de doubles sens et à des enseignes discrètes pour atteindre la communauté. Ed Jackson, historien queer prolifique, raconte l’évolution des enseignes dans le quartier Church-Wellesley et ses alentours et comment les propriétaires d’entreprise ont usé de créativité pour atteindre leur population cible. Au fil des ans, les entreprises autochtones ont également établi une présence dans leurs quartiers respectifs au moyen d’enseignes distinctives, notamment celles de Nish Dish, du Pow Wow Cafe et de Tea-N-Bannock. Même si les  commerces ne forment qu’un aspect d’une collectivité, elles revendiquent beaucoup d’espace dans les rues de la ville, et leurs enseignes rendent visibles des valeurs culturelles et des symboles.

Round, clear glass incandescent lightbulbs.
Lightbulbs salvaged from the Honest Ed’s marquee sign.

Des discussions sont en cours au sujet du bon endroit où afficher les panneaux récupérés, dont la célèbre enseigne d’Honest Ed’s, et de la bonne façon de le faire. Toronto a mis sur pied sa propre initiative de musée du néon, qui recueille des enseignes depuis plusieurs années, sous la direction de la Downtown Yonge Business Improvement Area (DYBIA). On a bon espoir que ces enseignes pourront éventuellement être affichées quelque part, mais aucun projet n’a été annoncé dans l’immédiat. Toutefois, un musée du néon devrait être une solution de dernier recours; les efforts de restauration du patrimoine devraient toujours chercher à faire en sorte que les enseignes soient conservées dans leur emplacement d’origine. Souvent, la raison pour laquelle une enseigne est considérée comme importante est le résultat de son environnement et de son emplacement unique sur la façade d’un bâtiment. Par exemple, l’enseigne emblématique de Filmores — qui figure sur la couverture du présent livre — se distingue par son emplacement sur la rue Dundas, juste à l’est de Yonge, où la route tourne vers le nord, à un pâté de maisons de l’intersection de la rue Jarvis. L’enseigne est délibérément installée sur la partie avant du bâtiment et s’étend sur toute la hauteur de la façade pour attirer l’attention dans plusieurs directions. Il serait difficile de recréer son importance historique et sa configuration propre à son emplacement dans le contexte d’un musée du néon.

La restauration des enseignes historiquement importantes qui sont encore en place devrait être une priorité, car ils confèrent un poids et une importance historiques au bâtiment et au quartier dans lequel il se trouve. Par ailleurs, les panneaux doivent être restaurés au moyen de leur technologie d’origine, si possible. La pratique récente consistant à remplacer les enseignes au néon par des bandes DEL n’offre peut-être pas autant d’avantages que prévu. John Atkin, historien de Vancouver spécialisé dans les enseignes, fait remarquer que ces bandes à diodes électroluminescentes (DEL) en plastique ne durent pas aussi longtemps que les tubes au néon en verre, sont trop intenses en couleur et n’émettent pas de lumière ambiante sur le trottoir en dessous. En outre, les DEL couleurées consomment une quantité d’énergie comparable à celle des enseignes au néon, ce qui remet en question l’idée qu’elles sont plus efficaces sur le plan énergétique. Enfin, les lumières à DEL ne se photographient pas très bien; dans le cadre des productions cinématographiques, on a souvent recours au néon, car les ampoules à DEL produisent des taches blanches peu souhaitables lorsqu’elles sont captées par la caméra.

Il serait impossible d’inclure toutes les enseignes mémorables de Toronto dans le présent livre, mais nous espérons qu’il s’agit du début d’une conversation sur l’importance de conserver les enseignes et de préserver les histoires qui s’y rattachent. Cette préservation peut prendre de nombreuses formes allant au-delà de la restauration de l’objet physique en soi et pourrait comprendre la documentation photographique, le dessin et la peinture artistiques, l’enregistrement des anecdotes des fabricants de panneaux et des propriétaires d’entreprise, le partage des souvenirs nostalgiques à des amis, et ainsi de suite. Regarder les enseignes qui définissent Toronto, c’est voir un reflet des habitants de la ville, qui révèle la riche stratification des cultures à travers les langues affichées, les couleurs utilisées et les types d’entreprises et de services fournis.

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